Foyer d’Amour, près de 20 ans dans la formation spéciale en Haïti
Plus de 150 personnes handicapées, notamment des enfants et des adolescents habitant le quartier de Fontamara et ses environs, reçoivent du lundi au vendredi le pain de l’instruction au Centre de Formation Spéciale « Foyer d’Amour ». Située à Fontamara 43, cette école forme des enfants qui sont nés avec une déficience physique ou intellectuelle au niveau préscolaire, primaire, professionnel, sportif et artistique. Rencontrée à l’école, le mercredi 20 mars 2013, en marge d’une activité culturelle marquant le début des vacances pascales, Mme Rosemay Legouté fait le point !
Comment Foyer d’Amour a-t-il pris naissance ?
Fondé en 1994, l’objectif de Foyer d’Amour n’était autre que de combattre la discrimination à l’égard des personnes handicapées. Notre cheval de bataille a été d’intégrer dans le milieu scolaire des jeunes qui vivent avec certaines déficiences. Pour nous c’était une injustice le fait que des enfants handicapés en âge de scolarité aient été contraints de rester à la maison. Au départ, nous avions commencé par identifier les enfants déficients de Fontamara et des quartiers alentour. Puis, nous avions pris l’initiative de venir travailler avec eux, chez eux. Deux ans plus tard (1996), avec le support de leurs parents et de quelques amis, nous avions jugé nécessaire de mettre sur pied l’École Spéciale Foyer d’Amour. La formation que nous avions entreprise de donner concernait le cycle préscolaire, mais quand trois ans après, nous avions tenté d’intégrer ces enfants au cycle primaire dans les écoles dites normales, il nous était déplorable de constater que la société haïtienne ainsi que le système éducatif haïtien n’étaient pas prêts à cela. Nous avons poursuivi et avons crée mais aussi structuré l’école primaire. Présentement, le centre de formation accueille un peu plus de 120 enfants et adolescents en préscolaire et primaire et une quarantaine au niveau professionnel. Depuis sept années, nous permettons à nos élèves de boucler le cycle primaire en prenant part aux examens du CEP. Je peux vous assurer que la plupart d’entre eux continuent à évoluer dans diverses écoles secondaires de la place.
En chiffre, Foyer d’Amour c’est quoi ?
Foyer d’Amour : c’est une dizaine de professeurs ; quatre classes avec 15 écoliers, chacune, au niveau préscolaire uniquement. Au niveau primaire, nous avons 6 classes (de la 1ère à la 6ème Année Fondamentale). Au niveau professionnel, nous avons 6 professeurs : un en Informatique ; un en Coupe-couture ; un en Broderie ; un en Pâtisserie ; un en Art-floral et finalement un moniteur en Musique.
Quand on considère vos exploits, peut-on dire que pour vous à Foyer d’Amour, le sport constitue une priorité ?
Depuis 2004 nous pratiquons le sport. Nous avions commencé avec des exercices physiques à l’école en vue de sensibiliser nos apprenants par rapport aux bienfaits du sport sur leur santé physique et mentale. Ce fut toutefois lors d’un camp d’été organisé par Spécial Olympique que nous avions pris connaissance de l’ampleur des talents de nos élèves. C’est à partir de ce moment là que nous avions formé notre sélection de football ainsi que notre équipe de basketball. À raison de 3 heures par jour et de 2 jours par semaine, nous préparons nos joueurs en vue de prendre part aux grandes compétitions. En 2011, notre sélection de football avait participé au Jeux Spéciaux Mondiaux en Grèce. Nous sommes en train d’intensifier les préparations en vue de prendre part au Jeux Spéciaux Mondiaux qui auront lieu cette année en Corée.
Pourquoi avez-vous instauré la section professionnelle à Foyer d’Amour ?
Après l’obtention de leur Certificat d’Études Primaires, nous étions en grande difficulté d’intégrer nos enfants dans la vie ordinaire. Nous avons donc pensé à leur offrir davantage d’atouts pour se faire accepter, voire s’imposer, au niveau de la société. D’où la mise en place d’une section de formation professionnelle.
Nous avons remarqué que vous travaillez également avec des enfants ayant une déficience lourde
Il nous a aussi été confié des enfants lourdement handicapés, c’est-à-dire, qui ont des déficiences motrices. Avec eux, nous avions commencé avec des exercices de physiothérapie qui se déroulaient une ou deux fois par semaine : mais plus tard, nous avions dû ouvrir une classe permanente à leur intention.
Qui forme vos formateurs ?
Nous avons plusieurs partenaires. Récemment, nous avions eu une formation avec AAR-Japon à laquelle 6 de nos professeurs avaient pris part. Cette formation concernait l’éducation spéciale. Sous peu, nous allons envoyer 8 autres professeurs suivre une formation spéciale avec CES. En quelques sortes, nos professeurs sont formés sur le terrain puisque, malheureusement, dans le programme des maîtres au niveau du Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle, le volet sur l’éducation spéciale n’est pas encore intégré. En un mot : nous recrutons parmi les normaliens licenciés et nous les formons sur le terrain.
Parlez-nous un peu de vos partenaires !
Pendant nos 20 années d’existence, nous avons les membres de l’association Foyer d’Amour ; des anciens membres ainsi que des membres d’honneur. Nous avons notamment notre grand partenaire, l’Église Orthodoxe Russe hors frontière. Nous avons CBM qui nous supporte sur le plan de la formation professionnelle. Il ne faut pas aussi oublier le Bureau du Secrétaire d’État à l’Intégration des Personnes Handicapées qui, depuis son institution ne manque pas de nous venir en aide.
Qu’en sera-t-il de Foyer d’Amour dans les 10 prochaines années ?
Nous comptons ajouter trois autres classes : 7ème, 8ème pour arriver jusqu’à la 9ème Année Fondamentale et également agrandir la salle informatique afin qu’elle soit ouverte à davantage de bénéficiaires. Parallèlement, nous sommes en train de réfléchir à la restructuration de notre immeuble en vue de pouvoir accueillir beaucoup plus d’élèves. Nous en profiterons pour rendre confortable notre cafétéria et moderniser nos différents terrains de sports. Dans 30 ans, nous serons déjà une référence dans le domaine de la formation spéciale en Haïti.
Propos recueillis par le service de communication du BSEIPH