Un outil important dans la construction d’une société inclusive
Article: Le nombre de personnes handicapées a nettement augmenté en Haïti depuis le tremblement de terre de janvier 2010. Les responsables parlent de plus de 4 000 nouveaux cas d’amputation, sans compter les chocs psychologiques provoqués par un traumatisme sévère. Le Bureau du secrétaire d’Etat à l’intégration des personnes handicapées (BSEIPH), dans le souci d’aboutir à l’inclusion de cette catégorie de personnes qui représentent aujourd’hui plus de 10% de la population, cherche à sensibiliser la population à l’application de la loi portant sur l’intégration des personnes vivant avec un handicap.
Etienne Marcenro arrive au stade Sylvio Cator dans sa chaise roulante, poussée par un de ses amis. Il est là pour assister au match des handicapés, organisé à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale des personnes handicapées, le 3 décembre. Il est enthousiaste de voir ses pairs jouer au football avec une seule jambe et des cannes. «J’ai entendu l’annonce à la radio et j’ai décidé de venir voir ceux qui osent parmi tant d’autres qui sont traumatisés et ont peur», dit-il.
Jeune homme de 22 ans, Etienne se retrouve collé à sa chaise depuis 2005, ayant perdu l’usage de ses jambes des suites d’une maladie encore non identifiée. Ce n’est que trois années plus tard qu’il a compris qu’il fait encore partie de la société malgré son handicap et a décidé d’exploiter son talent de chanteur. Il a donc participé à plusieurs concours de chant télévisés, notamment Konkou chante Nwèl et Digicel Stars. Fier d’avoir pu vaincre la peur d’être traité de “kokobe”, il ne se cache plus. Il se réjouit de bénéficier du support de ses parents, de ses amis et de ses fans. Etienne est aujourd’hui convaincu que même avec une déficience, motrice ou autre, tout le monde peut réussir s’il est motivé en conséquence: «J’aurais voulu qu’ils soient conscients de leurs capacités et décident de faire ce dont ils sont capables », recommande-t-il à ceux qui vivent avec un handicap.
Ils ne sont pas tous en effet, à vivre aussi bien leur handicap. Emmanuel Ladouceur a été amputé du bras gauche après le tremblement de terre. Il est du nombre des personnes amputées à la suite du séisme et dont le nombre s’élève à plus de 4 000. Depuis, sa vie a changé. «Je me sens dépendant et cela m’ennuie énormément d’avoir souvent besoin de quelqu’un pour faire ce que je ne peux moi-même faire », regrette-il. Le souvenir d’avoir perdu son frère, son grand-père, ses sœurs et cousines sous les décombres où il est resté pendant quatre jours, lui revient constamment à la mémoire.
Aujourd’hui, graphiste amateur, son plus grand rêve est de faire des études en sciences comptables ou en sciences économiques. Des études qu’il confie ne pas pouvoir entamer, faute de moyens financiers. «Je ne serai jamais heureux si je suis pas comptable ou économiste. C’est mon rêve de toujours», dit-il, sûr de pouvoir travailler après comme toutes autres personnes.
Emmanuel déplore le fait que les handicapés sont parfois objet de moquerie ou de mauvais traitements dans leur vie quotidienne. «Je suis souvent victime de bousculade dans les transports en commun et ceux qui sont en fauteuil roulant endurent tout un calvaire avec l’état de nos routes ou de constructions inadaptées.» Aussi invite-t-il les autorités à oeuvrer en vue de leur rendre la vie plus facile.
Appliquer les lois pour vraiment les intégrer
Le vote et la promulgation de la loi sur l’intégration des personnes handicapées ont été l’une des plus importantes étapes dans la lutte vers une société inclusive en Haïti. Toujours est-il que ces lois doivent être rendues publiques et mises en application à tous les niveaux de la société pour de meilleurs résultats, selon le secrétaire d’Etat pour l’intégration des personnes handicapées, Gérald Oriol Jr. La loi votée récemment débat de la problématique du handicap, de l’accès à la santé, à l’éducation, à l’emploi et à l’accessibilité à l’espace physique. Il est obligatoire que, dans tous les bâtiments publics (écoles, supermarchés, banques, bureaux privés ou publics), l’accessibilité des personnes handicapées soit prise en compte.
L’accès à l’éducation reste un point fondamental dans la loi parce qu’elle est, selon le BSEIPH, un moyen sûr de rendre les personnes vivant avec déficiences physiques moins vulnérables et moins dépendantes. Seuls 4% des enfants handicapés ont accès à l’éducation. Pour M. Oriol, une société inclusive sera profitable à tout le pays, tant dans la vie courante que dans la vie économique avec le développement de l’handi-tourisme. «Une rampe d’accès peut être utile à une mère avec une poussette, un travailleur avec un chariot ou à un handicapé temporaire», estime le secrétaire d’Etat.
Les manquements à l’accessibilité aux services et à l’espace physique sont d’importance, informe M. Oriol. Cependant, à ce constat, il renouvelle la volonté du BSEIPH, du gouvernement et des autres partenaires, nationaux et internationaux, de faire avancer la cause. Le secrétaire d’Etat informe que le BSEIPH travaille actuellement avec le ministère des Travaux publics, transports et communications afin de définir de nouvelles formes de construction des routes. Il félicite l’acquisition récente de deux bus adaptés par la compagnie de transport en commun Dignité et l’inauguration du service de réhabilitation à l’Ofatma. Il se décerne un satisfescit pour avoir garanti la continuité de l’Etat dans la démarche pour le vote et la promulgation de la loi portant sur l’intégration des personnes handicapées.
Source: Le Nouvelliste