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  • Joël Edouard Vorbe, quadraplégique mais dynamique

    De ses fermes jambes à son fauteuil roulant, de l’art culinaire à l’entrepreneuriat, Joël Edouard Vorbe a su faire le grand tournant dans sa vie et continuer à être un homme courageux et utile au pays.

    Visage calme mais très ouvert, sourire au coin, voix tranquille et mature, Joël me reçoit dans les locaux d’une entreprise familiale qu’il dirige avec son épouse à la rue de l’enterrement. Dans son fauteuil roulant, ce pâtissier devenu entrepreneur suite à son accident qui a causé la paralysie de ses membres, est aussi dynamique que le reste de l’équipe. Il intervient dans tous les domaines, il seconde toutes les unités.

    Joël Edouard Vorbe est né en 1975 avec toutes ses facultés. Il a fait ses études à Port-au-Prince à l’Institution Saint Louis de Gonzague, gérée par Les Frères de l’Instruction Chrétienne. Après ses études classiques, il est parti en France pour faire des études en gestion hôtelière et en art culinaire. Son rêve était de devenir chef cuisinier et pâtissier. Ses études ont duré environ quatre ans. De retour au pays, Joël eut le temps de vivre sa passion en travaillant comme chef pâtissier. L’aventure allait s’arrêter le jour où il a été attaqué par des bandits armés à la rue de l’enterrement. Son beau-père a été tué sur le coup et lui, il est sorti de justesse, atteint d’une balle au cou. Ses blessures ont été de niveau C4, C5, ce qui l’a paralysé des pieds jusqu’au bras. Joël est donc devenu quadraplégique et a perdu l’usage de ses quatre membres.

    De retour en Haïti après plus d’un an et demi de thérapie aux Etats Unis, Joël ne pouvait plus exercer son métier de chef cuisinier en raison de sa mobilité considérablement réduite. C’est là qu’il allait faire ses débuts dans l’entrepreneuriat au coté de sa femme Angèle. « Ma femme m’a tendu la main dans l’entrepreneuriat. J’ai tout commencé à coté d’elle et avec elle », confie-t-il.  Au début de l’aventure, il lui a fallu d’être prudent et patient mais il a réussi à combler ses vides, à reprendre confiance en lui et en ses compétences tout en développant le sens du leadership.

    Joël travaille comme entrepreneur depuis tantôt dix ans. Aux cotés de son épouse à l’entreprise, il ne s’attribue pas une tâche précise mais seconde toute l’équipe et prend constamment des initiatives. Pour lui, ce n’est pas d’avoir un poste qui est le plus important mais de travailler à avancer ensemble pour pouvoir produire davantage de jour en jour. « Les familles grandissent, il faut continuer à créer. On ne peut pas s’arrêter sur ce qui a déjà été fait », croit-il.

    Père comme il est

    Joël avait 21 ans quand il s’est marié. De son mariage, il eu deux enfants : Noah et Lucas respectivement âgé de 5 ans et de 2 ans lors de l’accident de leur père. Joël avoue regretter de ne pas pu être toujours présent dans la vie de ses garçons. C’était difficile pour lui de jouer le rôle de père et s’est refermé. Mais le père qui se cache derrière l’homme d’affaire se réjouit aujourd’hui que, grâce au courage de leur mère, ses deux garçons sont très vite devenus indépendants et matures. Ils ont été et sont encore d’un support considérable dans la vie de leur père. « Ils m’ont eux même cherché. Aujourd’hui, nous avons notre complicité, nos moments de retrouvailles. On s’est plus que retrouvé et peut être que je n’aurais pas été un aussi bon père pour eux si j’étais sur mes deux jambes », dit-il souriant.

    Sa force de caractère lui a toujours défendu de se laisser rejeter par son entourage. Joël Edouard Vorbe demeure très ouvert aux autres. « Je suis capable de me protéger et de défendre mes idées », rassure l’homme d’affaire ; le cuisinier ; l’époux ; le père. Cependant, il estime que l’intégration des personnes handicapées est une problématique qui se perd au centre des problèmes considérés comme plus graves en Haïti, « déjà que dans notre société, nous n’acceptons pas l’autre ». Il se réjouit pourtant que des avancées ont été réalisées dans la lutte pour l’inclusion sociale des personnes handicapées : le changement progressif des mentalités grâce aux campagnes de sensibilisation, la ratification de Conventions internationales sur le handicap, le vote de la Loi sur l’Intégration des Personnes Handicapées, entre autres. Il demande juste que la lutte se poursuive avec une plus grande implication de tous les secteurs de la vie nationale. « On ne peut s’arrêter et regarder ce qui a été fait. Il faut continuer », conclut-il.

    Suite à un entretien avec le Secrétaire d’Etat Gérald Oriol Jr, Joël a promis de s’impliquer davantage dans la lutte pour l’inclusion des personnes en situation de handicap en Haïti et d’accompagner le Bureau du Secrétaire d’Etat à l’Intégration des Personnes Handicapées dans ses démarches.

    Bureau du Secrétaire d’Etat à l’Intégration des Personnes Handicapées