Le Braille : son origine et son évolution
L’histoire de l’écriture
En vue de conserver leurs pensées et leurs expressions à l’écrit, les Sumériens ont inventé, vers 3400-3300 avant J-C, un système d’écriture non alphabétique mais basé sur des pictogrammes, représentation schématique d’objets, de lieux et de concepts, gravés sur des tablettes d’argile humide. Ensuite, ils vont venir avec l’écriture cunéiforme, faite en « forme de coins » ou de « clous ».
Vers 3200-3000 avant J-C, les Egyptiens développaient les hiéroglyphes qu’ils tracent, sur des rouleaux de papyrus ou de cuir, des pictogrammes et de phonogrammes. Le premier alphabet cunéiforme, un signe pour une lettre, apparait vers le XIVème siècle avant J-C et son utilisation va se prolonger jusqu’au premier siècle après J-C. Ainsi, il est à noter que l’apparition de l’écriture met fin à la période préhistorique et entre l’homme dans l’Histoire.
Valentin Haüy et l’écriture gaufrée
Dans cette longue aventure de l’écriture, les personnes en situation de handicap visuel, ayant le besoin d’aller à l’école pour apprendre à lire et à écrire, restent exclues du système éducatif. Il a fallu attendre jusqu’á la fin du XIXème siècle pour avoir un système d’écriture au profit des non-voyants visant à faciliter leur scolarisation.
Valentin Haüy, qui a l’habitude d’assister et de travailler avec des non-voyants, a jugé bon de mettre en place des mécanismes permettant de scolariser cette catégorie sociale, victime de stigmatisation de toute sorte. Il a fondé l'”Institut Royal des Jeunes Aveugles” en 1784, qui allait être nationalisée par décret du 28 septembre 1791 et devint “Institut National des Jeunes Aveugles de paris (INJA).
L’initiative de créer INJA est louable, mais il faut nécessairement un système d’écriture et de lecture accessible aux personnes déficientes visuelles. C’est ainsi qu’il utilisait des lettres en relief gaufrées sur papier, dont la lecture était lente voire fastidieuse. Des “lettres gaufrées” sur papier, d’où l’appellation du système de Valentin Haüy. Avec ce système, les personnes aveugles pouvaient lire, mais l’écriture manuscrite était pratiquement impossible.
Charles Barbier de la Serre et le système sonographique
Pendant les guerres napoléoniennes, le capitaine d’artillerie, Charles Barbier de la Serre, conçoit un procédé d’écriture rapide et secrète pour permettre aux officiers en campagne de décoder des messages dans l’obscurité. C’est un système en relief constitué de 12 points répartis en 2 colonnes de 6. Pour écrire dans ce système, ils se servaient d’une tablette et d’un poinçon.
Cependant, ce système conçu pour répondre à des stratégies militaires présentait 3 inconvénients majeurs susceptibles d’empêcher son exploitation au profit des personnes en situation de cécité : son caractère sono graphique et non alphabétique privant les déficients visuels de l’orthographe ; pas de signes de ponctuation, ni de signes pour représenter des chiffres ; la hauteur aussi n’en facilite pas une lecture tactile rapide. Toute fois, Barbier a présenté ce système à l’INJA en 1821 où le jeune Louis Braille était encore élève.
Louis Braille et le Braille
Non-voyant à l’âge de 4 ans, suite à un accident survenu dans l’atelier de son père, Louis Braille fréquentait l’INJA par la suite en tant qu’élève et a travaillé le système de Barbier. Son travail a réduit le système de Barbier en 6 points répartis en 2 colonnes de 3, ce qui l’a rendu plus facile à lire et à écrire. En 1829, un document est publié en Braille sous le titre “Procédé pour écrire les paroles, la musique et le plein-chant au moyen de points, à l’usage des Aveugles et disposé pour eux”. C’est l’acte de naissance du Braille. En fait, le Braille est un système d’écriture et de lecture à points saillants, à l’usage des personnes non-voyantes ou fortement malvoyantes, comportant 63 caractères de base.
Il est important de souligner qu’il existe le Braille intégral et le Braille abrégé. Le Braille prend beaucoup d’espace dans sa version intégrale. Dans un document intitulé « l’Emploi du Braille dans le Monde » publié en 1990 par l’UNESCO, on relève 65 alphabets différents dont 29 pour les langues européennes.
Toujours dans l’évolution du Braille, un Accord de coopération pour une uniformisation du Braille français était signé le 7 juin 2001 entre des représentants des pays de l’Afrique francophone, de la Belgique, de la France, de la Suisse et du Québec. En 2006, le Code Braille Français Uniformisé (CBFU) est publié en France pour la transcription des textes imprimés.
Le Braille et ses différents procédés d’écriture
A l’origine, on savait écrire le Braille à l’aide d’une tablette et en utilisant un poinçon. Le papier est perforé à l’envers par le poinçon qui, guidé par la « réglette », entre dans les cuvettes ou sillons de la tablette. Au milieu du siècle dernier, les premières machines mécaniques à écrire Braille firent leur apparition dans différents pays et les années 80 virent apparaitre les machines électriques qui améliorent un peu la vitesse de frappe, mais très bruyantes. L’unité principale de production reste l’école PERKINS près de Boston (U.S.A).
Le Braille et les nouvelles technologies
Les nouvelles technologies font passer le Braille de 6 à 8 points. Ainsi, le point 7 est placé sous le point 3 et le 8 sous le 6. Ce système moins lisible que celui-de 6 points, est utilisé uniquement en informatique via le “plage Braille”.
L’embosseuse, imprimante Braille, facilite la production du Braille à grande échelle. La synthèse vocale, très utile aux personnes déficientes visuelles, marche de pair avec le “plage Braille”. Ils permettent respectivement aux utilisateurs non-voyants de prendre connaissance de ce qui est affiché à l’écran grâce au retour vocal de la synthèse et le Braille éphémère via le “plage Braille”.
Le Braille en Haïti
L’école St-Vincent pour enfants handicapés, fondée en Haïti en 1945, est la première institution haïtienne spécialisée qui s’intéresse à la scolarisation des enfants handicapés, notamment les déficients visuels.
Par contre, Jean A. Sorel fut le premier non-voyant haïtien, scolarisé dans le pays dans les années 30 à l’école Justin Castera à Jacmel, une école régulière. Il est co-fondateur de la Société Haïtienne d’Aide aux Aveugles (SHAA), créée en 1952. Sa mère, Kéthia Althémany Sorel a déclaré :”cet aveugle sera différent des autres, il sera aussi normal que possible”. Elle a demandé à Abel Géhi, un ébéniste de la communauté jacmélienne de lui fabriquer, en bois, des lettres de l’alphabet, cela rappelle la méthode empirique de Valentin Haüy, considéré comme le premier éducateur des personnes déficientes visuelles. Grâce au contact du Dr Justin Castera, le parrain de Jean Sorel, la dame Kéthia a pris connaissance du Braille et a mis son apprentissage à profit pour son fils.
De nos jours, le Braille fait encore son chemin et entre progressivement au Centre National pour Inclusion (CNI) du BSEIPH sous le leadership de Monsieur Génard JOSEPH, l’actuel titulaire du Bureau du Secrétaire d’État à l’Intégration des Personnes Handicapées (BSEIPH) qui lutte constamment pour que les documents officiels soient retranscrits en Braille conformément aux prescrits de la Loi du 13 mars 2012 portant sur l’intégration des personnes handicapées.
Enfin, il est tout à fait évident de constater que le Braille a résisté et s’est adapté aux exigences du temps. Le 4 janvier 2001, les Nations-Unies ont choisi cette date comme étant la journée internationale du Braille pour célébrer ce système d’écriture et d’honorer la mémoire de Louis Braille, son génial inventeur.
Eddy LEMAIRE
Chef de Service de Formation et de Sensibilisation au BSEIPH.