Quel dieu veille sur les handicapés dans les rues de Port-au-Prince?
Tout le monde a le droit de circuler dans les rues de Port-au-Prince. Les handicapés jouissent de ce droit dans les conditions les plus pénibles. Canne blanche en main, Jean-Marie se questionne sur sa condition de piéton dans une capitale où l’incivisme bat son plein.
Égout sans couvercle sur le trottoir de l’Ave Jean-Paul II
On oublie souvent que les handicapés visuels sont aussi des usagers de la circulation. Comme tout piéton, ils circulent sur le trottoir et traversent la rue. Canne blanche en main, Jean-Marie avance à pas lents sur les trottoirs de l’avenue Jean-Paul II. La canne facilite sa locomotion et lui permet de se repérer.
Ancien élève de l’école Saint-Vincent, Jean-Marie, la quarantaine bien sonnée, fréquente souvent l’avenue Jean-Paul II qui passe devant l’église du Sacré-Cœur de Turgeau. Il estime que les trottoirs de cette voie publique sont dangereux. Plusieurs égouts sont situés sur la partie surélevée qui borde la chaussée. Ces égouts, pour la plupart, sont dépourvus de couvercle.
« Mon véritable ami pour circuler dans les rues, c’est ma canne, elle me permet d’éviter des obstacles. Je connais bien l’avenue Jean-Paul II, c’est l’avenue où il y a beaucoup d’égouts sans couvercle le long des trottoirs. Je suis obligé d’être plus vigilant pour ne pas glisser dans l’un d’entre eux. Mais si le ministère des Travaux publics pensait qu’il y avait des aveugles comme moi qui sont dans la population, il ferait le nécessaire pour nous faciliter la circulation. Moi, si j’avais de l’argent, je ne marcherais pas à pied à Port-au-Prince où les conditions de locomotion sont pénibles. Le jour où j’aurai de l’argent, je resterai chez moi », dit Jean-Marie.
Les plaques d’égout appâtent
Artisan sans le sou, Jean-Marie visite souvent des amis qui le soutiennent. Il est obligé d’arpenter seul le bitume. Partout, sur la voie publique s’ouvrent des égouts; ils causent souvent des dommages au niveau de la circulation.
Signalons que les plaques d’égout à vocation sécuritaire, quand elles sont placées sur les bouches des réseaux souterrains destinés à assainir la ville, appâtent les délinquants qui font le commerce du fer. Profitant du laisser-aller, de l’incivisme ambiant, ces jeunes, qui survivent de la vente de ce métal largement utilisé dans la technologie et l’industrie, sont prêts à tout pour extraire le fer là où il se trouve à l’aide du marteau ou à mains nues.
« J’ai l’impression que l’Etat dans les pays pauvres est aveugle et sourd. Il est handicapé comme nous. Pourquoi me faites-vous parler si les gens qui volent les couvercles des égouts ne sont pas inquiétés? Pourquoi les trottoirs sont toujours encombrés ? Je n’ai rien contre les petites marchandes ; d’ailleurs, elles m’indiquent souvent où mettre les pieds. L’État est handicapé. Personne ne veille sur nous », conclut Jean-Marie sur cette question urbaine. L’homme rajuste ses lunettes noires, fait osciller sa canne blanche sur le trottoir et continue droit son chemin.
Source: http://www.lenouvelliste.com/article4.php?newsid=107004