Un modèle extraordinaire s’en est allé
Article: Le décès du Dr Gérard Léon le 3 décembre dernier passera sans doute inaperçue auprès du grand public haïtien. Il n’en sera pas ainsi cependant pour ceux qui ont pu admirer l’étendue de la culture et la vivacité intellectuelle de cet humaniste qui a largement offert de 1961 à 1997, des services gracieux, à titre de volontaire, comme consultant en chirurgie orthopédique à l’Ecole St-Vincent, un centre qui s’occupe des enfants à besoins spéciaux.
La cérémonie des funérailles du Dr Gérard Léon, le vendredi 7 décembre 2012, en l’église du Sacré-Cœur de Turgeau, à l’ombre de laquelle il a passé tant d’années, a attiré une pléïade de personnalités du pays, venues rendre un dernier hommage au chirurgien orthopédiste, décédé à l’âge de 84 ans, à Port-au-Prince, le 3 décembre dernier.
Emotion et tristesse pouvaient se lire sur les visages. L’heure était au recueillement et aux souvenirs d’un homme qui laisse derrière lui son empreinte dans le monde médical haïtien, notamment dans le milieu des personnes handicapées. Lors des nombreux hommages rendus à Dr Gérard Léon, certains amis et proches n’ont pu dissimuler leurs larmes. Des amis du défunt se sont succédé derrière son cercueil entouré de fleurs blanches, pour lui témoigner toute leur admiration, leur reconnaissance et leur affection. Tous ont souligné son intelligence, mais ce sont surtout ses qualités « humanistes », « simples » et « amicales » qu’ils ont voulu saluer.
Selon le Dr Maxime Coles, membre de l’Association des Médecins Haïtiens à l’Etranger (AMHE), le Dr Gérard Léon s’est éteint tout doucement en emportant avec lui toutes les connaissances orthopédiques et le savoir faire qui ont fait de lui ce géant de la médecine en Haïti. Pour lui, il est mort, comme il a vécu, sans mot dire.
« Il fut un professeur que nous tous avons apprécié à la faculté, à l’hôpital. Il fut un ami et un protecteur pour tous les résidents de différentes générations qu’il a aidé à former. Pour nous orthopédistes, Dr Léon fut un père adoptif, un grand ami et conseiller qui vous solutionnait tous les problèmes avec un sourire. Nous ne le verrons plus. Il est parti dans l’au-delà pour ce long voyage qu’il ne craignait pas. Dieu l’avait doté du don de soigner et de blaguer tout en gardant son sérieux. Ses patients l’aimaient d’une façon particulière et le garderont en mémoire », a témoigné le Dr Coles, l’air triste.
Dans un article publié dans les colonnes du journal Le Nouvelliste, de l’édition des lundi 10 et mardi 11 décembre 2012, Jacquemine Léon, fille ainée du défunt a présenté son père comme un modèle extraordinaire. Selon elle, son père est un patriote, un Haïtien qui a laissé derrière lui, à la fin de ses études, l’assurance d’une carrière brillante à l’étranger. Après des études en France et aux Etats-Unis, il est rentré au pays pour offrir et enseigner les techniques modernes d’orthopédie.
« Il nous a appris le sens du travail, de la responsabilité, du dévouement à une cause juste, du respect des autres et de soi-même. Il nous a appris l’amour de l’autre et de la famille…Il nous a aidés avec tendresse et ténacité à devenir les hommes et femmes que nous sommes aujourd’hui… Cet homme fort, bon, aimable, simple et généreux, au regard intelligent où parfois brillait un brin de malice pour accompagner un de ses bons mots, une de ses blagues dont il riait lui-même avec vous », explique Jacquemine Léon, qui a souligné que c’est dans son pays et pour ses compatriotes qu’il a fondé l’Association Haïtienne pour les Personnes Handicapées à travers laquelle il s’est battu pour prévenir les handicaps avec de nombreuses campagnes de vaccination contre la polio, pour soigner le handicap par ses nombreuses interventions à l’Ecole St-Vincent et ailleurs, pour faciliter la vie aux personnes handicapées, par sa lutte constante pour leur intégration dans la société.
Chirurgien orthopédiste qui avait mis sa science et sa bonté au service de la population pendant plus de quarante-sept ans, Dr Léon, dans ses premiers cours de spécialisation en 1952 jusqu’à son dernier voyage de formation à Cuba en 1987, ne cessera jamais de se perfectionner ni de partager son savoir. Il se spécialise en orthopédie tour à tour à l’hôpital général -qui deviendra Hôpital de l’Université d’État d’Haïti – en France et aux Etats-Unis.
Né le 13 janvier 1928 à Port-au-Prince, Gérard Léon fait toutes ses études au Petit Séminaire Collège Saint-Martial avant d’entrer à la Faculté de médecine où il sort avec son diplôme en 1952. De 1963 à 1999, on retrouve le Dr Léon comme professeur à son alma mater de la rue Oswald Durand. Il sera assistant-professeur, puis professeur d’orthopédie et de trauma osseux à la Faculté de Médecine. Il est aussi, pendant plus de trente-cinq ans (1957 à 1993), médecin dans le service public en sus de sa pratique privée qui se prolongera jusqu’en 1999.
Bureau du secrétaire d’Etat à l’intégration des personnes handicapées